Archives de catégorie : Coups de coeur

LE CRIME DU COMTE NEVILLE

Crime du comte Neville

Le point de départ de ce roman est le même que celui du livre d’Oscar Wilde, Le Crime de Lord Arthur Savile : une voyante annonce au comte Neville qu’il va commettre un crime lors de garden-party qu’il va bientôt donner dans son château. Ce sera la dernière : le comte, ruiné, doit vendre le château familial. « Mais qui vais-je bien pouvoir tuer ? » se demande-t-il ?

 Sous la forme d’un conte d’une centaine de pages, Amélie Nothomb se livre à une joyeuse satire de l’aristocratie belge, capable de laisser ses enfants mourir de faim par manque d’argent mais d’offrir au voisinage de fastueuses réceptions.
Mais c’est aussi une parodie mordante de la crise d’adolescence. Avec sa verve, son humour et sa fantaisie, Amélie Nothomb nous dépeint le piège dans lequel tombe le comte, père d’une adolescente peu ordinaire. Réussira-t-il à s’en sortir ?

Un grand cru dans l’œuvre d’Amélie Nothomb : son écriture précise, concise, sied à merveille à cette longue nouvelle dont la chute est, comme il se doit, inattendue. Et un livre à offrir aux adolescents, comme un miroir grossissant d’eux-mêmes.

La fin du monde

2084 la Fin du Monde

 

Boualem SANSAL, écrivain algérien de langue française, habite l’Algérie bien que ses écrits y soient censurés en raison de sa critique du régime. Il est connu des lecteurs français essentiellement depuis la parution en 2008 du prix RTL-LIRE qu’a reçu son roman Le village de l’allemand.

 Avec 2084, il commet un conte philosophique digne de ses illustres prédécesseurs et qui lui vaudra certainement bien des inimitiés. 2084 est une référence à 1984, le roman de George Orwell. C’est le début d’un monde totalitaire régi par le religieux. Nous sommes en Abistang où l’on parle l’abilang, noms découlant d’Abi, celui qui a été choisi par Yölah pour gouverner le peuple des croyants. Il est assisté par la Juste Fraternité, association de quarante dignitaires choisis parmi les croyants les plus sûrs. Leur livre saint est le Gkabul. La vie est organisée autour de la prière et des pèlerinages. « A Yölah nous appartenons, à Abi son délégué nous obéissons » est le mantra qui régit la vie des habitants.

 Nous suivons le héros Ati, nous l’accompagnons dans son questionnement puis dans sa révolte contre ce monde sans vie et sans foi.

 La lecture de ce roman n’est pas facile car toute la première partie est une description méticuleuse de cette société, qui nous endort comme elle le fait pour ses habitants. Le lecteur est récompensé de sa ténacité quand arrive le nœud de ce roman, la résistance, les questions qui agitent les hommes depuis toujours, questions sur l’éternité, la soumission , la liberté, la foi.

 Il est récompensé, le lecteur, par cette leçon d’espoir qu’est le parcours d’Ati : le doute, la révolte puis l’espoir, lequel engendre la vie.
Un magnifique roman d’actualité éternelle.

D’après une histoire vraie

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Après le succès de son dernier roman « Rien ne s’oppose à la nuit », roman autobiographique qui évoquait le suicide de sa mère bipolaire et qui avait ému des milliers de lecteurs, comment revenir à la fiction ? Delphine de Vigan avoue d’emblée avoir été confrontée à l’angoisse de la page blanche. La rencontre d’une femme, L, son double, va l’entraîner dans une relation de plus en plus possessive qui la mettra en péril. Elle retrouvera le goût d’écrire mais à quel prix ?

Ce thriller psychologique parle de manipulation tout en évoquant la fascination grandissante de l’édition pour les histoires inspirées de « faits réels ». Le huis clos créé par la relation exclusive avec L, nègre littéraire, mêle avec maestria le vrai et le faux. Delphine de Vigan se met en scène dans ce roman qui interroge les rapports de la fiction et du réel n’hésitant pas à citer les noms de ses enfants et de son compagnon. S’inspirant de Stephen King (Misery) elle nous livre là un récit troublant et angoissant qui oscille entre fiction et réalité … un roman envoûtant.

Delphine de Vigan est aussi l’auteur de No et moi (Prix des libraires 2008 et adapté au cinéma par Zabou Breitman), des Heures souterraines en 2009, adapté pour Arte par Philippe Harel et de Rien ne s’oppose à la nuit en 2012, prix Fnac, Grand Prix des lectrices de Elle et Prix Renaudot des lycéens. Ses livres sont traduits dans le monde entier.

L’exercice de la médecine

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Dans son dernier roman, Laurent SEKSIK nous fait traverser le 20ème siècle et ses tragédies.
Ce récit démarre en 2015 à Paris, Léna est cancérologue, elle est issue d’une lignée de médecins juifs originaires de Russie.
Depuis le début du siècle, tous ont connus un destin tragique.
Pavel, l’arrière grand-père victime des pogroms de la Russie tsariste, Mendel, le grand-père qui a fait ses études en Allemagne et devra s’exiler pour fuir l’antisémitisme des années 30 à Berlin…Léna est marquée par ce passé.
L’auteur, lui-même médecin, fait habilement alterner les époques et croiser l’intime et l’Histoire. Fin connaisseur du monde médical, il expose les faits, dissèque les émotions.
Un beau livre sombre et poignant qu’on ne lâche pas.

L’Histoire épatante de M.Fikry et autes trésors

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Vous aimez les livres ? Poussez sans tarder la porte de la librairie d’Alice sur cette petite île du Massachusetts tenue par un certain A.J. Fikry, libraire bougon, grand amoureux de littérature.

Le métier de libraire peut réserver bien des surprises et des joies. A.J. Fikry va faire une découverte qui bouleversera sa vie : une petite Maya abandonnée ou plutôt confiée à ses soins par sa mère qui souhaite la voir grandir au milieu des livres. Voilà qui n’est pas banal. Le suicide de la maman incite le libraire à adopter la petite fille. Les péripéties seront nombreuses et il trouvera même l’amour qui le consolera de la mort de son épouse mais, chut ….. laissez-vous d’abord entraîner dans cette histoire bien amenée avec des héros attachants, beaucoup d’émotion et d’amour. Nous suivons les personnages sur plusieurs années avec des rebondissements inattendus. Les références littéraires sont nombreuses, allant de Du côté de chez Swann à Golum dans Le Seigneur des Anneaux. Entre les séances de dédicaces et le club de lecture on ne peut s’ennuyer.

Chaque chapitre apporte une petite leçon de vie, voilà un livre qui fait du bien, poussez sans tarder la porte de cette librairie pas comme les autres.

CHECK – POINT

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Dans son dernier roman, « Check-Point », Jean-Christophe Rufin, fort de son expérience de French Doctor de L’Humanitaire, nous fait traverser la Bosnie en état de conflit à la suite d’un modeste convoi humanitaire. Deux camions fatigués, deux hommes, une femme. Quatre personnages qui poursuivent chacun leur but qui n’est pas seulement l’aide à apporter à ceux qui souffrent. Ils vont traverser les ruines, les charniers, les check-points qui sont l’expression du chaos qui règne dans ces pays en guerre civile. La tension monte dans l’espace restreint des cabines des camions et peu à peu le but du voyage change. Ce huis-clos révèlera leur vraie nature et les contraindra à franchir leurs propres check-points, à faire les choix essentiels à leur survie.

Construit comme un thriller psychologique, ce roman d’aventure plein de péripéties nous révèle les limites et les dilemmes de l’action humanitaire : donner une couverture … ou un fusil ?

Jean-Christophe Rufin, dans le style limpide qui lui est propre, nous éclaire sur un conflit proche de nous et qui a déchiré d’Europe. Dans une postface très intéressante, sans faire de prosélytisme et loin des idées reçues, il nous amène, dans le contexte actuel des conflits mondiaux, à nous interroger sur le but de l’action humanitaire de nos jours.

SOUDAIN SEULS

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Louise et Ludovic, un couple de trentenaires, décident, afin de rompre avec le quotidien, de partir à l’aventure, faire le tour du monde en voilier. Le couple échoue sur une île déserte entre la Patagonie et le Cap Horn. Comment survivre? Seuls dans une nature hostile, avec pour seuls compagnons: manchots et otaries, les péripéties sont multiples, la confrontation à la nature est rude.

La célèbre navigatrice nous entraîne avec beaucoup de talent dans cette aventure qui vire au cauchemar, évoquant avec brio la beauté de cette région du bout du monde, traduisant avec justesse les sentiments de ses personnages, l’évolution des caractères, nous conduisant également à une réflexion sur le couple.

Dans la deuxième partie du livre, le retour à la vie normale s’avère aussi difficile à affronter et révèle le véritable enjeu de la « confrontation primitive avec la vie, celle qui pousse à agir au-delà de tout code et de toute règle. »

Un roman captivant que vous ne lâcherez pas.

TOUTE LA LUMIERE QUE NOUS NE POUVONS VOIR

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Le 7 août 1944 la ville de Saint Malo est sous les bombes des Forces Alliées. Marie-Laure Leblanc, jeune réfugiée aveugle de 16 ans attend dans l’angoisse le retour de son oncle. Werner Pfenning, soldat allemand expert en transmissions électromagnétiques, chargé de débusquer les émissions clandestines de la Résistance, se réfugie dans une cave…

Antony DOERR nous ramène dix ans en arrière pour nous raconter, dans de courts chapitres qui s’alternent, l’histoire peu banale de ces deux adolescents. Marie-Laure perd la vue à l’âge de six ans. Son père, gardien des clés au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, construit des maquettes pour lui apprendre la ville au bout de ses doigts et la rendre indépendante. Werner, lui, grandit avec sa sœur Jutta dans un orphelinat. La découverte d’un vieux poste radio qu’il répare va révéler ses talents exceptionnels en électromagnétisme. Il sera enrôlé dans les Jeunesses Hitlériennes et rejoindra ensuite la Wehrmacht sur les fronts de l’est et finalement à Saint Malo où son chemin croisera celui de Marie Laure.

Ce récit renouvelle la manière de traiter cette sombre période de l’Occupation et nous montre que la guerre est aussi faite d’une multitude d’histoires individuelles. Aux personnages secondaires attachants s’ajoute le suspense de la poursuite d’un diamant fabuleux « Océan de flammes » très convoité car sensé procurer la vie éternelle. Dans un style imagé l’auteur dépeint l’importance du libre arbitre qui permet de faire le choix de la lumière et de l’espoir même aux heures les plus sombres. Découvrez sans plus tarder ce roman à plusieurs niveaux de lecture qui nous tient en haleine jusqu’au bout.

Antony DOERR a 41 ans et vit dans l’Idaho aux Etats Unis. Auteur de « Le nom des coquillages » et « A propos de Grace », il participe au Festival Etonnants Voyageurs de Saint Malo où il situera son roman. Finaliste du National Book Award, sacré meilleur livre de l’année par la presse américaine, il a obtenu le Prix PULITZER 2015.

 

Plus haut que la mer

plus haut que la mer

Les passagers d’un bateau accostent sur une île transformée en quartier de haute sécurité. Le fils de Paolo, professeur de philosophie, y détenu pour assassinat politique – il était d’ailleurs membre des Brigades rouges. Le mari de Luisa, une paysanne mère de cinq enfants, a assassiné son compagnon de beuverie puis le gardien d’une autre prison.

A l’issue de la visite, tous deux sont bloqués  sur l’île à cause de la tempête. Durant cet isolement d’une nuit sous la surveillance de Pierfrancesco, l’un des gardiens lui aussi enfermé dans sa douleur, le destin de ces trois personnages va changer de cours. Comment comprendre ce fils, tueur froid et implacable ? Comment vivre au village lorsqu’on est la femme de l’assassin ? Comment dire à son épouse que la colère a transformé en tortionnaire celui qui est chargé de faire appliquer la loi ? De leurs larmes libératrices, de leur douleur enfin mise en mots naîtra une belle complicité, une superbe histoire d’amour, et peut-être un nouveau départ dans la vie.
Un court roman qui nous plonge dans l’Italie des années soixante-dix, celle des « années de plomb ». De ce drame collectif, Francesca Melandri a tiré un récit dense et incisif, d’une écriture élégante.

 Née à Rome en 1964, Francesca Melandri est scénariste de cinéma et télévision et réalisatrice. Eva dort, son premier roman, a obtenu de nombreux prix. Elle est la sœur de Giovanna Melandri, ministre de la Jeunesse et du Sport dans le seconde gouvernement de Romano Prodi.

Amours

amours,L de Recondo

 

Nous sommes au 19e siècle, dans une maison bourgeoise de province. Victoire est la femme du notaire d’un bourg cossu du Cher, Anselme de Boisvaillant. Son mari l’indiffère, elle s’ennuie et rêve d’avoir un enfant pour occuper ses journées. Aussi lorsque Céleste, la petite bonne, se trouve enceinte, le couple prend une décision : il sera leur enfant. Ainsi les convenances seront sauvegardées.
Mais Victoire, contrairement à Céleste, n’a pas la fibre maternelle. Surtout, Victoire n’est pas Emma Bovary, et ce qui aurait dû être un secret de famille entre gens ordinaires dérape lorsque survient la passion amoureuse la plus inattendue. La violence des sentiments fera voler en éclat les barrières sociales et les certitudes d’une époque corsetée autant physiquement que moralement.
Léonor de Récondo réussit à merveille, par son style ciselé et musical, à décrire la tension et la passion de ce huis-clos familial. Un récit d’une intimité troublante et un petit bijou d’écriture.

Agée d’à peine 40 ans, Leonor de Récondo a derrière elle une longue carrière de violoniste, instrument qu’elle pratique depuis l’âge de 5 ans. Violon solo de l’orchestre symphonique de Boston alors qu’elle n’était encore qu’étudiante, elle fonde à son retour en France le quatuor à cordes Arezzo puis se spécialise dans la musique baroque, enregistrant de nombreux disques. Amours, son 4e roman, a obtenu le grand prix RTL-Lire et le prix des libraires.