Archives de catégorie : Coups de coeur

Americanah

Americanah

Ifemelu et Obinze se sont connus sur les bancs du lycée de Lagos (Nigeria) et aimés dès le premier regard. De familles aisées, ils projettent de poursuivre leurs études aux Etats-Unis. Ifemelu part pour Philadelphie où elle se trouve confrontée à de nombreuses difficultés auxquelles elle n’était  pas préparée, en particulier au racisme de la société américaine. Après avoir traversé bien des épreuves, Ifemelu décide de créer un blog pour briser le silence et faire comprendre ce que signifie être Noir(e) dans l’Amérique qui s’apprête à élire Barack Obama.
Après 15 ans d’exil, elle décide de rentrer au pays et de retrouver son amour de jeunesse. Elle est désormais une « Americanah », comme disent les Nigerians de ceux qui reviennent au pays après avoir émigré en Amérique.

 Americanah est à la fois une belle histoire d’amour, une dénonciation des contradictions de l’Amérique d’aujourd’hui et une vision sans concession de l’Afrique.
Chimamanda Adichie nous rappelle de façon magistrale que c’est dans le regard des autres que se construit notre identité. Comment vivre lorsque l’on passe d’un pays où être métis est un privilège à un pays où être métis, et à fortiori être noir, est un handicap ? L’auteur porte un regard neuf, acéré et ironique, non seulement sur les relations entre Blancs et Noirs mais aussi sur celles des Noirs entre eux. Ainsi, même lorsqu’il vient d’un milieu aisé comme Ifemelu, un émigrant Africain se trouve coincé entre les Blancs d’une part, et les Afro-Américains  – nés sur le sol américain – d’autre part. Ce qui donne lieu à des situations auxquelles l’auteur nous invite à rire plutôt que d’en pleurer.

Cette très belle œuvre romanesque, à la construction classique et à l’écriture fluide, est le 3e roman d’une jeune Nigeriane de 37 ans. Ses deux premiers romans, L’Hibiscius pourpre et L’ Autre moitié du soleil, ont reçu plusieurs prix littéraires aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Chacun de ses romans a été traduit dans une trentaine de langues.

Danser les ombres

Danser les ombres

 

On ne présente plus Laurent Gaudé, bien connu du public depuis qu’il a obtenu en 2002 le Goncourt des Lycéens pour La mort du roi Tsongor, puis en 2004 le Goncourt et le prix Jean Giono pour Le Soleil des Scorta.

Nous sommes à Haïti, le 12 janvier 2010. Dans Danser le ombres,  Laurent Gaudé nous parle du tremblement de terre de magnitude 7 qui a frappé durement ce pays, et de ses conséquences – réelles et imaginaires. Avant cette date fatidique, il nous fait voir Port au Prince avec sa multitude colorée, son tumulte de voix parmi lesquelles celles des prostituées qui attirent le chaland en leur proposant de jouer à frotte frotte avec elles, et ses quartiers aux noms étonnants : Jalousie, Cité soleil, Petion ville… Il nous dépeint Haïti qui, dit-il, n’a rien à offrir qu’un peu d’eau et l’hospitalité d’une chaise. Mais quelle hospitalité !
Laurent Gaudé réunit ses héros, dont le point commun est d’avoir lutté contre les gouvernements corrompus, dans un ancien bordel nommé « fessou » – lieu de joie, de mixité sociale et de formation politique. Il y a là Prophète Coicou, le propriétaire des lieux, Tess et « Pabava », qui se sont opposés aux Duvallier père et fils, Saul et Lucine qui se sont connus en luttant contre « Aristide », et puis « Matrak », l’anti-héros dont on devine sans peine la fonction. Et bien d’autres personnages, héros ordinaires pour lesquels l’amitié et le bonheur semblent enfin possible.
Jusqu’à ce que la terre s’ouvre et laisse sortir ses morts, qui errent dans la ville sinistrée et s’accrochent aux vivants. A travers cette métaphore du deuil, c’est un hymne à la joie, une ode au courage, à l’instinct de survie et à la fraternité que nous offre Laurent Gaudé. Avec ses phrases courtes, ses images poétiques et son lyrisme, il nous emporte dans l’épique danse des ombres qui réunit les vivants et les morts, jusqu’à ce que ses derniers reprennent enfin leur place.

La saga des Vilmorins

Saga Vilmorin bis

Les semences Vilmorin sont tout aussi connues des jardiniers et des maraîchers que l’écrivaine Louise de Vilmorin l’est du milieu littéraire.
Mais on connaît moins les six générations de Vilmorin qui se sont relayées sans interruption depuis le règne de Louis XV jusqu’en 1975 pour perfectionner la sélection des graines destinées à l’agriculture et à l’ornement des jardins. Depuis Philippe-Victoire, le premier des Vilmorin à étudier la médecine et la botanique, jusqu’à Jean-Baptiste, directeur de la Société nationale de la protection de la nature, voici une surprenante saga familiale qui embrasse plus de deux siècles d’Histoire de France.

Publié à l’occasion du bi-centenaire de l’installation des Vilmorin à Verrières-le-Buisson, voici un petit livre truffé d’anecdotes surprenantes qui nous en apprend beaucoup sur l’histoire des sciences naturelles, notamment à l’époque de Buffon, Jussieu, et de tant d’autres « naturalistes voyageurs ». Dans une synthèse remarquable agrémentée d’extraits d’archives, l’auteur met l’accent sur l’histoire de l’entreprise Vilmorin et montre les enjeux sociaux liés aux recherches sur l’acclimatation et la sélection des espèces. Un ouvrage passionnant qui se lit comme un roman.

La femme qui en savait vraiment trop

femme qui en savait trop

C’est sa propre histoire que Stéphanie Gibaud nous livre ici.

Employée par la banque UBS pour organiser des événements à destination des clients, anciens et futurs, elle reçoit un jour de sa hiérarchie l’ordre d’effacer de son ordinateur le listing des clients et de leurs chargés d’affaire. Nous sommes en 2008. Elle refuse. Commence alors un harcèlement qui va durer deux ans et qui a pour but d’éviter que le système d’évasion fiscale vers la Suisse mis en place par la banque ne soit découvert.

L’intérêt de ce témoignage est double : d’une part il décrit le harcèlement au travail, d’autre part il met à jour les mécanismes de l’évasion fiscale. « L’évasion fiscale pour les nuls » aurait pu être le titre de ce livre facile à lire et instructif, redevenu d’une actualité brûlante à l’heure où sont révélées les pratiques illégales d’une autre banque suisse.

Trompe-la-mort

Jean-Michel GUENASSIA

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Le dernier livre de Jean-Michel Guénassia, rompant avec les références autobiographiques des précédents, « Le Club des incorrigibles optimistes » et « La Vie rêvée d’Ernesto G. », est une totale fiction.  « Trompe-la-Mort », tour à tour roman picaresque, roman d’aventure et roman d’amour, nous fait voyager sur deux continents, entre deux cultures. Son héros, Tom Larch, est né en Inde d’une mère indienne et d’un père anglais. Il doit suivre ses parents en Angleterre à l’âge de huit ans mais l’adaptation est difficile et, après un drame familial, il s’engage dans l’armée. Il survivra avec une chance insolente à maints accidents ce qui lui vaudra son surnom. Une interview pour valoriser l’action de l’armée le fera connaître dans le monde entier. Cette célébrité qu’il n’a pas recherchée va orienter sa vie. Tout bascule cependant quand un milliardaire supplie Tom de retrouver son fils dont les derniers signes de vie proviennent de l’Inde. Il va redécouvrir New-Delhi et cette quête du fils perdu l’amènera à affronter son propre passé et à vaincre cette fois ses blessures de l’âme : « le ciel est sans limites pour ceux qui n’ont pas peur d’eux-mêmes ».

L’auteur maîtrise l’intrigue et nous tient en haleine de bout en bout. Le retour aux sources et le questionnement sur la filiation sont les thèmes forts de ce roman haut en couleurs qui se lit d’une traite.

TRISTESSE DE LA TERRE

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Le 7e livre d’Eric Vuillard est un récit qui se situe entre biographie et essai.

William Frederick Cody, ancien employé de chemin de fer surnommé Buffalo Bill, a eu l’idée de monter un gigantesque spectacle avec 800 personnes, 500 chevaux et des dizaines de bisons. 18 000 spectateurs se pressent, deux fois par jour, sous son chapiteau.
Ce spectacle, en tournée dans le monde entier pendant une vingtaine d’années, de 1883 à 1913, exaltait la conquête de l’Ouest par les cow- boys et évoquait la vie des pionniers. Mais surtout, il mettait en scène de vrais indiens rescapés des massacres, parmi lesquels le fameux chef Sitting Bull.

Ce récit de 12 chapitres est une critique de l’un des aspects de l’Histoire de l’Amérique : les derniers massacres d’indiens à la fin du 19ème siècle.   L’auteur dénonce le mépris de la vérité historique, et même la falsification des faits. Mais c’est aussi, à travers l’histoire de Wild West Show créé par Buffalo Bill, une analyse de la naissance du spectacle de masse, le show-business, et une réflexion sur la société du spectacle.

Un livre court mais intense, au style concis et incisif. À lire sans attendre.

Le complexe d’Eden Bellwether

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L’histoire se passe de nos jours, à Cambridge dans le milieu des étudiants de ces fameux College anglais – en fait des universités de haut niveau.

Oscar est un jeune homme d’origine modeste qui travaille comme aide-soignant dans une maison de retraite située à proximité de campus. Un soir, il est attiré par une musique émanant de l’orgue de la chapelle du King’s College. Il y rencontre l’interprète brillant de cette musique baroque, Eden Bellwether, ainsi que sa sœur Iris, étudiante en médecine, dont il tombe rapidement amoureux.
Plus Oscar fréquente le petit groupe d’étudiants qui s’est formé autour du frère et de la sœur et plus il s’interroge. Eden, qui prétend pouvoir hypnotiser et soigner les gens par la musique, est-il génial ou fou ? Iris n’est-elle pas manipulée par son frère ?
Petit à petit Oscar, pris au piège d’un engrenage machiavélique, se débat entre manipulation et jeux pervers dans ce récit aux multiples rebondissements dont la tension ne cesse de croître.

 Ce premier roman (prix des lecteurs de la FNAC) d’un jeune anglais de 33 ans est un thriller psychologique haletant qui n’est pas sans rappeler Hitchcock, le maître du genre, et son film Psychose.

RETOUR A LITTLE WING

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Cette histoire de quatre copains d’enfance nous emmène dans une petite bourgade agricole au fin fond du Wisconsin. Inséparables, ils ont grandi ensemble, liés par une forte amitié. A l’âge adulte, ils prennent des chemins différents.
Hank, le fermier, resté dans la région et a épousé Beth, la plus belle fille du village.
Kip s’est tourné vers les affaires pour devenir courtier à la Bourse de marchandises de Chicago.
Ronny, champion de rodéo, a eu un grave accident.
Lee, chanteur et guitariste, est devenu célèbre.
A l’occasion du mariage de l’un d’eux, c’est l’heure des retrouvailles. L’auteur évoque avec empathie et tendresse, leurs vies, leurs doutes, leurs secrets… Il choisit un style narratif particulier: dans chaque chapitre à tour de rôle un personnage s’exprime à la première personne.
C’est un hymne à l’amitié, à la nature, à l’attachement à la terre d’origine.
Un premier roman qui est une belle réussite.

LE ROI DISAIT QUE J’ETAIS DIABLE

CLARA   DUPONT-MONOD

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Peu de documents historiques nous renseignent sur Aliénor d’Aquitaine dont le personnage alimente les légendes. Clara Dupont-Monod nous en offre ici un portrait non historique mais crédible : celui d’une jeune femme rebelle parce que frustrée.

Aliénor a treize ans quand elle épouse Louis VII, roi de France. Tout les oppose : elle est combattante comme ses ancêtres, il était destiné à la prêtrise. Aliénor, qui a quitté sa belle Aquitaine, se retrouve enfermée dans le palais de la Cité, près d’un époux imprégné de son passé religieux et encore sous la coupe de son mentor, l’abbé Suger. Dans sa cour de Poitiers elle a connu le luxe et le raffinement, le choc est rude de découvrir le monde austère et sévère de Louis VII. « J’ai épousé un moine », dit-elle. Le roi pourtant est amoureux de sa femme mais il ne la comprend pas. Il se lance dans une croisade à laquelle Aliénor participe pleine d’espoir de voir enfin son époux s’affirmer mais la croisade est un échec. Au retour, le divorce est prononcé aux motifs de consanguinité et d’absence d’héritier mâle .Aliénor retrouve sa liberté et deviendra ensuite, par son remariage avec Henri Plantagenêt, reine d’Angleterre mais ceci est une autre histoire.

Ce récit alternant voix féminine et voix masculine, à la fois roman historique et légende, est soutenu par un riche vocabulaire et on assiste avec intérêt à la naissance du royaume de France dans cette époque médiévale troublée.

ET RIEN D’AUTRE

JAMES  SALTER

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Merveilleux roman sur la vie d’un homme, de sa jeunesse jusqu’à l’approche de sa vieillesse.

Philip Bowman rentre aux Etats Unis à la fin de la dernière guerre mondiale pendant laquelle, marin, il a participé aux batailles contre le Japon. Son goût pour l’écriture et les hasards de la vie vont lui faire rencontrer un éditeur chez lequel il va travailler et faire une carrière brillante. Le monde de la littérature est peint par petites touches et sert de toile de fond à ce qui fera l’essentiel des préoccupations de cet homme : la recherche de l’amour sensuel et affectif. On comprend que l’auteur ait choisi de parler des temps de la vie qui va du début des émois sexuels jusqu’au temps de leur apaisement.

Regards nostalgiques sur la littérature et son devenir, regards nostalgiques sur sa vie amoureuse, ce roman merveilleusement écrit et traduit par Marc Amfreville, vous prend de la première ligne jusqu’à la dernière.