Danser les ombres

Danser les ombres

 

On ne présente plus Laurent Gaudé, bien connu du public depuis qu’il a obtenu en 2002 le Goncourt des Lycéens pour La mort du roi Tsongor, puis en 2004 le Goncourt et le prix Jean Giono pour Le Soleil des Scorta.

Nous sommes à Haïti, le 12 janvier 2010. Dans Danser le ombres,  Laurent Gaudé nous parle du tremblement de terre de magnitude 7 qui a frappé durement ce pays, et de ses conséquences – réelles et imaginaires. Avant cette date fatidique, il nous fait voir Port au Prince avec sa multitude colorée, son tumulte de voix parmi lesquelles celles des prostituées qui attirent le chaland en leur proposant de jouer à frotte frotte avec elles, et ses quartiers aux noms étonnants : Jalousie, Cité soleil, Petion ville… Il nous dépeint Haïti qui, dit-il, n’a rien à offrir qu’un peu d’eau et l’hospitalité d’une chaise. Mais quelle hospitalité !
Laurent Gaudé réunit ses héros, dont le point commun est d’avoir lutté contre les gouvernements corrompus, dans un ancien bordel nommé « fessou » – lieu de joie, de mixité sociale et de formation politique. Il y a là Prophète Coicou, le propriétaire des lieux, Tess et « Pabava », qui se sont opposés aux Duvallier père et fils, Saul et Lucine qui se sont connus en luttant contre « Aristide », et puis « Matrak », l’anti-héros dont on devine sans peine la fonction. Et bien d’autres personnages, héros ordinaires pour lesquels l’amitié et le bonheur semblent enfin possible.
Jusqu’à ce que la terre s’ouvre et laisse sortir ses morts, qui errent dans la ville sinistrée et s’accrochent aux vivants. A travers cette métaphore du deuil, c’est un hymne à la joie, une ode au courage, à l’instinct de survie et à la fraternité que nous offre Laurent Gaudé. Avec ses phrases courtes, ses images poétiques et son lyrisme, il nous emporte dans l’épique danse des ombres qui réunit les vivants et les morts, jusqu’à ce que ses derniers reprennent enfin leur place.