Archives de catégorie : Coups de coeur

LE CIEL PAR-DESSUS LE TOIT

 

Il était une fois un garçon que sa mère avait appelé Loup, pour la force, l’autorité … mais Loup est doux, un peu étrange même … et le voilà en prison. Il a conduit la voiture de sa mère et provoqué un carambolage sur l’autoroute. Il n’en pouvait plus, Loup, de ne pas voir sa sœur depuis dix ans, ce gâteau, ce couteau et l’absence ! Voilà pourquoi Loup a pris cette voiture, pour aller retrouver Paloma.

Loup est enfermé mais sa mère aussi est prisonnière de son histoire. Phénix s’appelait Eliette, une petite fille d’une beauté saisissante. Ses parents, sans penser à mal, l’ont adulée, parée, montrée à tous sans penser au danger. Après l’agression Eliette a mis le feu à la maison de ses parents et s’est appelée Phénix comme pour renaître de ses cendres Mais peut-on vivre en occultant son passé ?

Natacha Appanah remonte le fil du temps, celui des violences transmises en héritage et qui sont si difficiles à réparer. « Le ciel par-dessus le toit » c’est l’histoire d’une fêlure dans le cœur et le corps, d’un cercle qu’il faut briser. D’une écriture puissante et poétique l’auteure sonde l’âme de ses personnages et nous entraîne dans leurs sentiments les plus intimes.

Un roman que l’on lit d’une traite.

DE PIERRE ET D’OS

Lorsqu’une nuit la banquise se rompt, la jeune  Uqsuralik  est livrée à elle-même. Séparée de sa famille, seule avec  ses chiens, comment va t-elle survivre  dans l’espace Arctique ? Un récit d’aventure dans une nature sauvage, mais aussi un roman initiatique et un conte poétique.

Bérangère Cournut nous emmène dans le Grand Nord, au cœur de la culture Inuit, peuple de chasseurs nomades dont la culture très éloignée de la nôtre. Ils vivent dans un univers hostile, affrontant en permanence le froid, le vent, la neige. Ils n’ont que la chasse et la cueillette pour survivre.

L’auteur nous transporte dans un autre monde, monde de traditions ancestrales, de légendes mais aussi monde des esprits et du chamanisme.
Des chants inuits parsèment l’ouvrage, des photos le terminent.
Évasion garantie avec ce roman sobre, bien documenté et toujours à la lisière du fantastique.

OPUS 77

Dans une église genevoise, un dernier hommage va être rendu au chef de l’Orchestre de la Suisse romande. Sa fille Ariane Claessens, pianiste renommée, va assurer la partie musicale de l’hommage. Elle choisit de jouer le premier concerto pour violon de Chostakovitch, ravivant ainsi le souvenir de son frère, absent lors de ces obsèques : David Claessens, violoniste prometteur.

Dès ce premier chapitre, on est pris par cette histoire d’une famille de musiciens : le père chef d’orchestre, la mère soprano et leurs deux enfants nourris par la musique dès leur plus jeune âge.
Opus 77, ce premier concerto pour violon de Chostakovitch, est au centre de cette histoire racontée par Ariane, histoire où se jouent les passions ambivalentes des personnages avec, au premier plan, la tumultueuse relation père-fils.

On admire le talent de l’auteur qui sait ménager le suspense, qui nous parle de personnages complexes et attachants ; on admire aussi la sensibilité avec laquelle il nous parle de la vie des musiciens de renommée internationale, et de la musique.
Point n’est besoin d’être mélomane pour aimer Opus 77, même si l’auteur l’est très certainement.

 

LA FEMME AUX CHEVEUX ROUX

À l’approche de la cinquantaine, Cem  se remémore son adolescence perturbée par la disparition de son père alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Obligé d’aider financièrement sa mère, il travaille un été pour financer son entrée à l’université. Ce travail consiste à être aide puisatier auprès de maître Mahmut, puisatier renommé. Une relation quasi filiale se développe entre Cem et son maitre dont il partage la vie jour et nuit dans la campagne proche d’Istanbul. Le jour, ils creusent ; la nuit, ils parlent et, avant de s’endormir, se racontent des histoires dont les plus marquantes sont des relations père fils. Ces histoires marquent tellement le jeune Cem que, devenu adulte, il va rechercher leurs sources dans de multiples livres.
Leurs soirées, ils les passent dans un petit village proche du chantier. C’est là que Cem va rencontrer une femme à la chevelure rousse, bien plus âgée que lui. Elle va être son initiatrice d’une nuit avant de disparaitre. Mais cet été se termine par une autre tragédie….

Roman riche à plusieurs niveaux de lecture,  superbement liés : relecture des mythes occidentaux et orientaux à la recherche du lien père-fils, roman d’apprentissage, tableau de la Turquie entre tradition et modernité, entre orient et occident.
C’est un grand roman, pas très long mais dense. On le facilement et il ne vous quitte pas une la lecture finie.

A LA LIGNE

Il s’agit d’un premier roman — magistral — sur un sujet à priori peu porteur : le travail a la chaîne ou plutôt, comme on dit maintenant, à la ligne.
Arrivé en bretagne pour y suivre sa femme, l’auteur-narrateur, éducateur spécialisé, ne trouve d’autre travail que celui d’intérimaire dans une usine. D’abord dans une usine de conserverie de poissons, puis dans un abattoir.
Jour après jour, le narrateur nous relate avec minutie les gestes répétitifs, le bruit, l’isolement, la souffrance du corps qu’on doit surmonter, la fatigue qui oblige chacun, à la pause, à se concentrer sur son café et sa cigarette.

Comment survivre dans un tel contexte ? En laissant vagabonder sa pensée au gré des associations qui vous viennent, en chantant, en évoquant des textes aimés ou des poèmes.
Et il y a surtout la femme aimée, le chien Pokpok et la fraternité ouvrière.

L’écriture de ce texte est pour beaucoup dans l’attrait qu’il exerce. Tour à tour distancié, coléreux, drôle, le texte en vers libres aère, en allant à la ligne à chaque phrase, ce qui serait autrement insupportable.

Une très belle réussite d’écriture.

Dans l’ombre du brasier

Paris, printemps 1871. Les troupes régulières — obéissant au gouvernement de Thiers, réfugié à Versailles depuis le début de l’insurrection populaire — mettent le siège devant la capitale avant de s’en emparer dans un bain de sang. C’est dans les dix derniers jours de cette utopie sociale que se déroule le roman, durant cette « semaine sanglante » de la Commune de Paris qui voit s’opposer une armée de métier à la Garde nationale, moins nombreuse, mal équipée, mal commandée.
Au cœur de ce chaos, profitant de la désorganisation, des jeunes filles sont enlevées pour servir de modèle à des photos pornographiques qui seront vendues à des amateurs. Antoine Roques, relieur nommé inspecteur, tente de faire ce pourquoi il a été nommé : poursuivre les criminels.
Cette intrigue policière sert de prétexte à Hervé LE CORRE pour écrire une grande fresque historique qu’il nous fait vivre en suivant les pas de trois héros, trois soldats de la garde nationale : le sergent Nicolas LE BELLEC, LE ROUGE, colosse aux cheveux roux et ADRIEN apprenti boucher.
Sous les bombardements et les incendies qui détruisent peu à peu la ville, défendant rue après rue derrière des barricades inefficaces, ils vont résister tout en sachant leur défaite inéluctable.

De nombreux personnages lumineux vont leur venir en aide car la fraternité domine chez ces insurgés.
La force de ce roman tient au fait que le lecteur est réellement plongé au sein de la bataille dans un cauchemar d’où seuls quelques-uns survivront.

Ne m’appelle pas Capitaine

 

Haïti, Port-au-Prince. Deux quartiers que tout oppose : Montagne noire et son ghetto de riches blancs où les « bruns-pêche » sont tout juste tolérés ; et Morne dédé, quartier pauvre et déshérité.
Quand on habite le premier et qu’on est une femme, il faut un minimum de non-conformisme pour décider de faire des études. C’est ce qu’a fait Aude, apprentie journaliste.
« Enquêter sur des faits, des dates, dans un milieu inconnu » est le sujet de l’article qu’elle doit rédiger. Conseillée par son oncle, non conformiste de la génération précédente, elle choisit d’aller interviewer   Capitaine. Celui-ci habite le Morne dédé, là où une femme blanche dans une voiture neuve est d’emblée remarquée, surtout lorsqu’elle s’adresse à eux maladroitement. Pour la première fois, en effet, ces étrangers que Aude côtoie ne sont pas ses domestiques mais ses égaux.
Capitaine, vieil homme ayant vécu dans ce quartier sous la dictature des Duvalier et maître en arts martiaux, avait rêvé de transformer sa maison en un lieu d’apprentissage pour que revive ce lieu déshérité. Il ne vit plus que dans le ressassement du passé.
Chacun poursuit un temps son monologue, puis leurs voix vont se rejoindre et Aude va s’ouvrir à ces « autres » en même temps qu’elle se découvre elle-même.
Dans une écriture qui alterne les styles de narration en fonction des personnages, Lyonel Trouillot nous offre un récit humaniste, vivant et plein d’espoir.

J’ai couru vers le Nil

Dernier roman de cet écrivain égyptien, il  nous transporte en 2011 à l’époque de la Révolution sur la place Tahir.

Ce roman choral est une véritable plongée dans la société égyptienne.Poids de la religion dans la vie politique et sociale, importance de la corruption, manipulation de l’opinion…A travers les actions et les destins d’une galerie de personnages nous vivons les espoirs puis assistons à la violence des répressions. Emouvant, bouleversant, ce livre terrible a été interdit en Egypte.  A lire de toute urgence.

LES FRERES LEHMAN

L’histoire, sur quatre générations, d’une fratrie de juifs allemands, arrivés aux États-Unis à la fin du 19e siècle et fondateurs de la fameuse banque Lehman Brothers. Celle-là même qui fit faillite et fut à l’origine de la crise mondiale de 2008.

Histoire familiale, histoire du capitalisme américain, peinture du judaïsme libéral américain. Ce pavé de 800 pages se lit facilement grâce à la forme d’écriture utilisée et à l’humour permanent.

LE ROI CHOCOLAT

Le roi chocolat est l’inventeur du BANANIA qui a régalé des générations d’enfants. Quoique tout soit vrai dans cette histoire, ne vous attendez pas à une biographie : c’est un vrai roman.
En 1910 Victor, un journaliste, est envoyé en reportage en Argentine pour couvrir l’événement qu’est l’inauguration du « teatro colon » à Buenos aires. Son voyage de retour va être mouvementé puisqu’il va être obligé de séjourner chez les derniers aztèques survivants. C’est là qu’ il va découvrir la boisson du Dieu Quetzalcóatl.
Manipulé par des trafiquants d’armes, il va ensuite se retrouver au milieu de la révolution mexicaine dont il ne pourra s’échapper que grâce à un des premiers aéroplanes.

De retour en France il réussit à reconstituer la boisson aztèque et abandonne le journalisme. 1914 arrive. Sa petite usine de fabrication de choco/banane marche bien. Il obtient de pouvoir transporter son produit jusqu’aux lignes de front et il arrive dans les tranchées des tirailleurs sénégalais ……

Ecrit dans un style qui fait penser aux romans du XIX siècle, au-delà de l’histoire rocambolesque de cet inventeur, c’est une peinture du début du XX siècle que nous dresse avec talent l’auteur. Précipitez-vous !