Archives de catégorie : Coups de coeur

L’incolore Tsukuri Tazaki et ses années de pelerinage

Haruki  MURAKAMI

images

S’éloignant du monde fantastique de la trilogie 1Q84, Haruki MURAKAMI nous offre un roman plus réaliste, à l’intrigue épurée.
Tsukuru appartient à un groupe d’amis intimes, 5 adolescents inséparables depuis le lycée. Rejeté du jour au lendemain, sans explication, il en ressent une profonde blessure qui laissera des traces indélébiles. Il se sent « incolore », vide. Des années plus tard, une amie, Sara, le pousse à partir à la recherche de ses anciens amis pour essayer de comprendre.
Un roman tout en finesse et en nuances où l’on retrouve l’atmosphère et les thèmes chers à Murakami : l’introspection, la solitude, l’amitié, l’amour, le sens de la vie, la mort, un mélange entre rêves et réalité, beaucoup de symboles et de métaphores, un style limpide…
Un très agréable moment de lecture.

UNE DERNIERE DANSE

VICTORIA   HISLOP

Dernière danse

Victoria Hislop qui avait conquis ses lecteurs en les entraînant à la découverte de « L’Ile des oubliés » en Crète, met ici l’accent sur la guerre civile espagnole à travers une saga familiale et historique.

Lorsque Sonia, une jeune anglaise, vient avec une amie à Grenade pour suivre des cours de danse, elle est loin de se douter qu’une vieille photographie va lui révéler les origines de sa propre famille et bouleverser sa vie. Elle ignore tout du passé de la ville et c’est une conversation au café El Barril qui va la plonger dans la tragique histoire de la cité et de la famille qui tenait les lieux. Nous suivons les destins des trois frères Ramirez et de leur sœur Mercedes passionnée de danse et de flamenco cette danse à la beauté sensuelle. Ils vont connaître l’exil, les bombardements, les déchirures d’une guerre civile. Mercedes se dévoue pour accompagner des enfants réfugiés en Angleterre et elle y fera sa vie, seule survivante de sa famille. Dans un style sobre et classique, une belle lecture pour faire mémoire de cette guerre civile qui ne doit pas être oubliée.

 

LE COLLIER ROUGE

JEAN-CHRISTOPHE RUFIN

images

Jean-Christophe Rufin célèbre à sa manière le centenaire de 14-18 avec son dernier roman, « Le collier rouge ». Dans une sous-préfecture du Berry, en l’été 1919, un chien ne cesse d’aboyer en direction de la prison militaire où est enfermé le soldat Morlac, son maître, un jeune paysan qui a fait la guerre dans l’armée d’Orient et qui est rentré décoré de la Légion d’Honneur.

Le juge militaire, Hughes Lantier du Grez, qui doit le juger, veut comprendre pourquoi Morlac refuse de s’excuser et fait presque tout pour être condamné et il est intrigué par « Guillaume » ce chien fidèle, couturé de cicatrices, qui a accompagné son maître jusque sur le front de l’armée d’Orient. Peu à peu le juge cernera la personnalité de ce prisonnier hors du commun et ce n’est qu’à la fin du livre que nous découvrirons, après un suspense habilement entretenu, la raison de l’emprisonnement de Morlac et le rôle réel du chien.

Les personnages sont attachants et la fidélité aveugle du chien émouvante. Un roman passionnant à découvrir sans tarder et qui confirme, mais est-ce bien nécessaire, tout le talent de Jean-Christophe Rufin.

OPÉRATION SWEET TOOTH

IAN Mc EWAN

operation sweet tooth

« Nous ne leur disons pas ce qu’ils doivent penser. Nous leur donnons les moyens d’écrire. Nous faisons le maximum pour que leurs idées obtiennent la plus large audience possible. »
« Ils », ce sont les écrivains que le MI5, les services secrets britanniques, cherchent à manipuler afin qu’ils véhiculent des idées « politiquement correctes » plutôt que des thèses communistes. Et c’est à Serena Frome, nouvel agent passionnée de littérature, qu’est confiée la mission d’approcher Tom Haley, un jeune auteur prometteur.

En ce début des années soixante-dix, l’IRA est devenu le problème n°1 des Anglais, la guerre froide bat son plein et les espions britanniques sont démasqués les uns après les autres. L’infiltration de Serena en territoire littéraire, baptisée Opération Sweet Tooth, prendra une drôle de tournure. Comment, en effet, le MI5 aurait-il pu prévoir qu’il se heurterait à un obstacle majeur : l’amour ?

À partir de faits réels, Ian McEwan a construit habilement un récit d’espionnage totalement original, où il s’avère qu’espions et romanciers ont en commun leur capacité à manipuler la réalité et à créer l’illusion.

Avec un humour tout britannique, Ian McEwan nous entraîne pour notre plus grand plaisir dans un jeu de dupes, tout en posant la question du rôle de l’écrivain dans la société.

Un livre qui ne peut que ravir les amateurs de littérature.

ESPRIT D’HIVER

LAURA KASISCHKE

esprit-d-hiver,M119310

 

Un terrible blizzard se répand ce matin de Noël dans le Michigan. Les invités se décommandent… Le père se retrouve bloqué sur la route par la neige. La mère, Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana. Celle-ci a été adoptée en Sibérie par ses parents dans un orphelinat où les enfants ne semblent pas tous en bonne santé… C’est une enfant désirée, aimée et choyée, mais son caractère change au fil du temps. Peu à peu va se révéler entre la mère et la fille, un jeu asphyxiant, tant le comportement de l’adolescente devient inexplicable et contrariant. Est-ce l’adolescence ou un état mental inquiétant ? Et ces traces bleues sur le visage ?
Et cette phrase qui revient souvent à l’esprit de la mère comme une obsession « quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux ».
On note au cours de ce roman le contraste entre la douceur apparente de la maison, accentuée par toute cette neige environnante, cette maison où tout est bien à sa place… et la tension qui monte entre la mère et la fille.
Ce roman se lit comme un thriller inquiétant tant la construction est affûtée, ainsi que la montée de l’angoisse qui confine à la folie…jusqu’au dénouement… C’est un roman puissant et, malgré l’angoisse, ou à cause d’elle, on ne le lâche pas, attirés nous aussi dans la spirale de l’histoire.

LE CHARDONNERET

DONNA TARTT

Lechardonneret

La vie de Théo, jeune new-yorkais de 13 ans, bascule le jour où une explosion ravage le musée dans lequel il se trouve en compagnie de sa mère. Il n’a que le temps de ramasser le tableau qu’ils admiraient quelques minutes auparavant et de s’extraire des décombres avant que ne retentisse une seconde explosion. Le Chardonneret est réellement l’un des rares tableaux du peintre Fabritius à n’avoir pas été détruit en 1654 dans l’explosion de la poudrière de Delft. Fabritius, élève de Rembrandt, figurait parmi la centaine de victimes.

Théo, victime de stress post-traumatique, mène ensuite une existence dissolue entre New York, Las Vegas et Amsterdam, naviguant entre le milieu de la drogue et le marché de l’art. Son seul point de repère dans l’existence est ce tableau auquel sa vie est désormais liée et qui montre un chardonneret enchaîné à son perchoir, incarnation du destin.

Ce roman passionnant de 800 pages, riche en drames et en rebondissements aussi bien qu’en interrogations sur le bien et le mal et sur le sens de la vie, nous invite à une plongée vertigineuse dans le chagrin et dans la peur. Avec son écriture parfaitement maîtrisée, Donna Tartt nous tient en haleine jusqu’au dénouement.

Ceux qui ont aimé Le Maître des Illusions dévoreront d’une traite ce 3e roman auquel l’américaine Donna Tartt a consacré dix ans de sa vie et qui vient de recevoir le prestigieux prix Pulitzer.

TEMPETE

JMG LE CLEZIO

7770795974_tempete-le-nouveau-recueil-de-le-clezio

Vous avez aimé Le Chercheur d’or ? Désert ?

Retrouvez l’univers poétique à l’écoute du monde de JMG LeClézio. Il nous offre deux novellas où l’on retrouve les thèmes qui lui sont chers : la mer, les îles, l’Afrique, l’errance, les femmes, ici deux adolescentes, June et Rachel, en quête d’identité.

Tempête a pour cadre l’île coréenne d’Udo dans la mer du Japon où les femmes de la mer plongent en apnée au  risque de leur vie pour pêcher des ormeaux. Monsieur Kyo, hanté par un viol auquel il a assisté sans intervenir, semble être revenu là pour mourir. Sa rencontre avec June, jeune adolescente sans père mais pleine de fraîcheur, de beauté  et de foi va lui redonner  goût à la vie.

Dans la deuxième nouvelle, Une femme sans identité, Rachel, déracinée de l’Afrique où elle est née, abandonnée par sa mère, va connaître l’errance dans la banlieue parisienne  avant de retrouver ses origines.

L’injustice faite aux femmes est l’un des thèmes majeurs de l’œuvre de Le Clézio. Dans ces deux récits les jeunes héroïnes  illustrent  la capacité des femmes à réinventer la vie.

La petite communiste qui ne souriait jamais

Lola Lafon

petite-communiste-souriait-jamais

Aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976, une jeune gymnaste roumaine de 14 ans obtenait pour la première fois le 10 parfait, bloquant au passage le dispositif informatique d’affichage. Nadia Comaneci a fait à l’époque rêver le monde entier, mais qui était-elle ?

Lola Lafon nous raconte sous forme d’un dialogue fantasmé avec la gymnaste, son parcours surprenant jusqu’en 1989, à la veille de la chute de la dictature
Ceaucescu. Soumise à un régime alimentaire draconien, à une discipline rigoureuse, à des entrainements intenses, souffrant de blessures chroniques, sa vie était loin d’être un rêve.

L’auteur, qui a vécu elle aussi en Roumanie, réussit à travers ce roman biographique à tracer un portrait nuancé et vivant de cette personnalité restée insaisissable et au destin hors normes.

La lettre à Helga

Bergsveinn Birgisson

La lettre à Helga

Au soir de sa vie un vieil homme à la retraite écrit  « à sa belle », à celle qu’il a aimée passionnément. Un amour impossible car il n’a pas su renoncer, pour suivre Helga à Reykavik, à sa vie d’éleveur de brebis, aux grands espaces de la nature islandaise qu’il aime tout aussi passionnément et il a choisi de rester aux côtés de son épouse qui ne pouvait pas avoir d’enfant. Bjarni se souvient et se dévoile. Il clame son amour pour sa terre et ses bêtes, le souffle du vent sur la lande sauvage, l’odeur du foin, ses rencontres secrètes et sensuelles avec Helga.

Une étrange et belle confession qui nous trouble et nous enchante et qui se lit d’une traite. Une belle lecture pleine d’émotion, un hymne à la vie, un petit bijou.

La confrérie des moines volants

Metin Arditi

Moines-volants-ARDITI

En 1937, en Union Soviétique, les églises et les monastères sont pillés, les religieux exterminés par milliers .Un moine-ermite, Nikodime Kirilenko, recueille les fuyards rescapés dans la région du Lac Ladoga.  Il va fonder avec eux la  confrérie des moines volants  qui aura pour but de rassembler des icônes sacrées pour les préserver de la destruction en les « volant », d’où leur nom. Ils doivent mettre fin à leurs activités mais Nikodime, avec l’aide de l’attachante et troublante Irina, trouvera une cache pour mettre ses trésors à l’abri avant de se livrer aux autorités. Et puis, sans transition, l’histoire nous emmène  à Paris dans les années 2000 où triomphe un jeune photographe,  Mathias Marceau, qui découvrira son origine russe et ses liens avec Nikodime, ce qui l’entraînera à la recherche des icônes qui seront récupérées et exposées à St Petersbourg.

Nous retrouvons dans ce roman les thèmes chers à Metin Arditi : le poids du passé, les secrets et les non-dits, le péché, le pardon et l’art, sacré ou contemporain, comme rédemption.